Le binaural, saison 2 : timbre, espace, mouvement
C’est à l’occasion du 21ième Festival de Pâques de Deauville que nous avons expérimenté un nouveau dispositif de prise de son multi format. Si l’usage d’une tête artificielle, les « Hots Ears SCHOEPS » donne des résultats satisfaisants au premier abord, il faut noter ses limites dans le cadre d’une production traditionnelle : comme le résultat dépend essentiellement de son emplacement, il n’est pas toujours optimal et les possibilités de modifications en post production sont peu nombreuses : on pourra toujours retoucher globalement l’équilibre spectral et la dynamique, mais pas la balance, ni la distribution spatiales des sources, ni leur timbre individuellement. Les essais du SPAT de l’IRCAM nous ont persuadés de travailler plutôt un binaural de synthèse, en nous appuyant sur une configuration microphonique versatile et sans compromis qualitatif.
Nous avons donc décidé de substituer à cette tête artificielle un dispositif étendu, composé de 4 « couches » microphoniques distinctes, combinables selon les besoins du mixage, qu’il soit stéréophonique, surround ou binaural :
- un système OCT SURROUND comprenant 5 microphones directionnels
- un système DECCA TREE SURROUND (5 microphones omnidirectionnels)
- un couple de micros infracardioïdes CCM21 en A/B
- un système de micros d’appoints répartis au plus près des instruments
Les 3 premiers systèmes seront suspendus au dessus de la scène sur un arbre constitué d’un support OCT Surround classique, prolongé par des tiges STR pour le DECCA TREE Surround et supportant aussi le couple de CCM21 en A/B
structure portante brute, appelée le « drone »
La principale difficulté d’installation résulte du nombre importants de câbles : pas moins de 12 pour connecter les 5 micros de l’OCT Surround, autant pour le Decca Tree Surround et 2 pour le couple. Heureusement, les micros miniatures CCM de l’OCT sont légers, et leurs câbles aussi.
installation de la structure avec ses micros (on voit les MK2S)
Regardons le détail de ces systèmes:
- Pour le LCR frontal, l’OCT Surround utilise 2 supercardios CCM41V dos à dos à 1 mètre de distance, pointant complétement à gauche et à droite de la scène sonore, et un cardio CCM4V au centre. Pour les arrières, 2 CCM4V génèrent les canaux LS et RS. Les versions verticales CCM41V et CCM4V des micros ont été préférées aux versions classiques pour leur exceptionnelle transparence sonore.
- Le DECCA TREE Surround utilise 5 omnis MK2S. Les 3 frontaux sont en triangle isocèle, avec une base de 2,40 mètres et une hypoténuse de 1.5 mètres.Les 2 arrières sont à 2 mètres l’un de l’autre, et à 1,3 mètre de l’avant. Le relevé d’aigus des MK2S est une option prise au départ, qui peut se moduler en jouant sur l’orientation des micros. On peut aussi utiliser les MK2 ou MK2H.
- Le couple de CCM21 a été réglé à 60 cm d’écartement, et aligné sur le plan frontal de l’OCT.
Le « drone » surplombant la scène, et la caméra 360°
Le plateau et la régie
Les micros d’appoint complètent ce dispositif. Ils sont déployés en fonction des besoins, selon les formations qui défilent tout au long des 2 semaines du Festival. La plupart des CCM sont installés sur des tiges STR, tandis que le piano est capté par 2 micros V4U.
Les CCM et les V4U
Les micros sont raccordés sur l’AX32 qui assure la préamplification micro et la conversion en DANTE. Le logiciel DADMan nous permet de piloter les gains à distance depuis nos PC PYRAMIX en régie. Nous pouvons aussi gérer la grille de routage interne et éventuellement les capacités de mixage interne. En effet l’option ProMon intégrée à l’AX32 comprend un mixeur de 256 entrées sur 32 sorties, que l’on peut utiliser pour distribuer jusqu’à 16 mixages stéréos indépendamment des Pyramix, ou pour alimenter des départs casques, sans latence. Nous avons prévu une capacité de 32 préamplis micros sur les 48 possibles, soit 4 cartes enfichables dans le châssis 2U.
L’AX32 de face et de dos
Un câble réseau transporte les signaux en régie, où ils sont enregistrés sur PYRAMIX, avec l’interface DANTE de YAMAHA. C’est une configuration très robuste, capable d’enregistrer jusqu’à 128 canaux en 96K. Nous nous contentons de 24 pistes en 48 K. Un deuxième PYRAMIX avec l’interfece Dante Virtual Soudcard (DVS) est là en secours sur un PC portable.
Le monitoring
La diversité des configurations et le nombre de micros offrent une grande souplesse de mixage. Nous mixons sur place pour nos besoins en monitoring, à partir des 2 PYRAMIX, ce qui nous permet de réaliser 2 mixages simultanément et de les envoyer sur notre préampli casques KLANG Quelle. Comme il a 4 sorties stéréos routables par le Dante Controller, chacun peut choisir ce qu’il veut écouter. En effet, le routage en DANTE nous permet de sélectionner les mixages en sortie des Pyramix, , mais aussi les micros individuellement et les mixages internes de l’AX32. Au besoin, on peut installer très rapidement un KLANG Quelle dans la salle en tirant un simple câble réseau PoE. Nous avons réservé le mixage binaural pour plus tard. Le choix des plugs-in augmentent considérablement. Nous retiendrons BCOM, NOISE MAKER et le PANORAMIX. Une autre option à considérer est le KLANG Fabrik, ou le KLANG Vier, interface physique qui peut binauraliser en quasi temps réel (latence <2 ms).
Les résultats sonores
Nous avons choisi 3 systèmes différents, chacun ayant ses qualités et ses limites.Il apparait des différences très marquées, que l’on résumer ainsi, en réduction stéréophonique :
- L’OCT Surround restitue l’espace ouvert avec une localisation très précise, et une sensation de présence de salle réelle et bien équilibrée. La profondeur de l’image est très satisfaisante, sûrement due aux réflexions captées par les CCM41V du système frontal. On peut facilement moduler l’angle de prise de son en jouant sur la position et les paramètres de mixage du micro central. La possibilité de doser les arrières permet aussi de régler efficacement le mélange direct/diffus. Nous avons pris l’option de ne pas laisser le système suspendu parallèle au sol, mais de le faire « plonger » vers la scène. Cela permet aux micros avant d’être pointés sur les sources, et aux micros arrière d’être pointés vers le volume acoustique au dessus du public. Cela tend à favoriser le champ diffus et à réduire les bruits du public. Nous apprécions le choix des versions « V » des CCM : les timbres sont lumineux, transparents, au plus près des instruments.
- Le DECCA TREE Surround donne une impression toute autre : L’espace semble plus large, et les sources sont moins localisées. La profondeur est comparable à l’OCT mais l’enveloppement est plus marqué. Les timbres sont bien respectés, bien mélangés (dans le sens de « blended » comme disent les Anglais). On a quelques possibilités de réglages, comme pour l’OCT, mais les effets sont moins marqués, du fait que chaque micro n’est pas autant focalisé sur chaque zone.
- Le couple stéréo fonctionne très bien, sans surprise (stéréo native). Un espacement de 60 cm peut sembler beaucoup. Après un passage à 40 cm, nous sommes revenu pratiquement au réglage initial (55 cm). Les CCM21 ont un très bon équilibre spectral. Largeur et profondeur sont optimales.
Pour nous faire une idée plus précise des atouts de chaque système, nous avons sélectionné un extrait, et réalisé un mixage stéréo depuis les 3 formats, sans ajouter de micros d’appoint.
- OCT Surround vers stéréo et binaural Klang Fabrik
- DECCA TREE Surround vers stéréo et binaural Klang Fabrik
- Stéréo native et binaural Klang Fabrik